Des journées pour célébrer des sujets variés et à portée diverse, il y en a beaucoup : journée des droits des femmes, de la paix, des câlins ou bien d’autres encore. Le jour j, on se recentre sur une thématique, on en évoque l’origine, les tenants et aboutissants et puis, on passe à autre chose. Pourquoi cette année la 52ème journée internationale de la Terre nourricière est-elle particulière pour ne pas dire essentielle ? Parce que la situation actuelle est inédite pour de nombreuses raisons.
HIER ET AUJOURD’HUI
Bien que la journée de la Terre ait été lancée en 1970 aux Etats-Unis, il faudra attendre les années 90 pour qu’elle devienne un évènement sur un plan mondial. Au départ issue du mouvement américain des droits civiques, et de manifestations dédiées dans lesquelles 28 millions d’américains défilent en faveur d’un environnement sain et durable, cette journée est célébrée avec de plus en plus d’intensité, d’engagement et autour de thématiques propres à chaque année.
L’augmentation des menaces pesant sur notre planète unique et des craintes qui en découlent pour la vie sur terre, a conduit à choisir le thème de l’éco-anxiété pour cette année 2022.
L’éco-anxiété déjà appelée ‘nouveau mal du siècle’ se caractérise par de l’angoisse, des épisodes dépressifs face aux signes du dérèglement climatique qui se multiplient : méga-feux, inondations, tempêtes, canicules, et leurs conséquences. Ce mal affecte principalement les enfants, les adolescents et les jeunes en général avec la difficulté, pour ne pas dire la peur, de se projeter dans l’avenir.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : il faut agir sans délai, il s’agit bien d’une urgence vitale. On assiste à une conscientisation croissante de toute parts et le constat du dernier rapport du GIEC invite à l’action dans les 3 ans à venir. Heureusement des propositions et projets sont en bonne voie d’accomplissement.
UNE CONSCIENTISATION CROISSANTE
Il s’agit de la prise de conscience du fait que notre vie sur Terre est fragile et menacée en grande partie du fait de nos modes de vie pillant et dilapidant les ressources naturelles (qui sont en quantité limitée) et vivant sans sobriété en privilégiant la finance, l’économie de marché et une consommation forcenée.
Parmi les premiers acteurs d’une écologie éclairée et d’une conscience plus vive de la beauté et de la fragilité de la vie sur Terre il y a eu les astronautes qui en témoignaient à chaque fois qu’ils découvraient la planète bleue depuis l’espace. Ils en restent les meilleurs ambassadeurs et défenseurs.
Mais au fil des années, c’est la jeunesse qui s’est mobilisée pour la protection de la planète et de son environnement. On se rappellera déjà à Rio en 1992, au Sommet de la Terre, l’appel vibrant de Severn Suzuki représentant l’Organisation des enfants pour la défense de l’Environnement : « Il faut montrer à nos enfants que des solutions sont là, que nous pouvons résoudre la crise climatique et les sauver ». La même Severn Suzuki renouvelait son appel 20 ans plus tard au think tank ‘Les Ateliers de la Terre’, enceinte de son premier enfant et constatant que malheureusement les choses n’avaient guère progressé.
Une autre jeune icône de la protection de l’Environnement a tenu tête aux gouvernants du monde entier et a entrainé avec passion et engagement les jeunes à descendre massivement dans la rue et à introduire des actions juridiques contre l’inaction climatique ; il s’agit bien sûr de Greta Thunberg.
Mais certains dirigeants eux-mêmes se sont engagés personnellement ou politiquement dans la protection de l’environnement et ont tiré la sonnette d’alarme il y a des décennies. L’exemple emblématique est celui de Mickaïl Gorbatchev qui a fondé la Croix verte internationale (Green Cross International) en 1993 suite au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992 dans le but de promouvoir le développement durable dans les pays développés ou en voie de développement au moyen de projets concernant principalement la protection de l’environnement ou la promotion de la paix. Green cross France et Territoires marche dans les pas de l’illustre fondateur de l’ONG, sous la présidence de Jean-Michel Cousteau. / Voir : gcft.fr
Un des autres présidents ayant illustré l’engagement politique en faveur de l’environnement et pour une action climatique d’urgence est Jacques Chirac. On se souvient de la phrase prononcée en ouverture de son discours au 4ème Sommet de la Terre en 2002 à Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs». Vingt ans plus tard il semble que ce soit presque toujours le cas malgré une conscientisation croissante.
Plus récemment, le 21 mars 2022, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres a tenu un discours fort commençant par : « Nous marchons les yeux fermés vers la catastrophe climatique ».
Mais il est malgré tout encourageant de constater que l’expression citoyenne se fait de plus en plus présente, pressante et engagée. A l’occasion et en amont de la COP 21 qui se tenait à Paris, un débat planétaire citoyen co-initié par les Nations Unies s’est tenu le 6 juin 2015. Au Sénégal, en Chine, en passant par Madagascar, le Brésil ou le Japon, près de 100 débats se sont tenus dans 76 pays avec 10000 citoyens autour des thématiques essentielles de l’énergie et du climat dans des groupes représentatifs reflétant la structure socio-démographique de chaque pays et région (comprenant les plus pauvres et les plus vulnérables). Pour la première fois les citoyens du monde qui vivent au quotidien les conséquences du dérèglement climatique allaient pouvoir exprimer leurs inquiétudes, leurs espoirs et leurs aspirations aux négociateurs de la COP21. Ci-dessous découvrez les desiderata et propositions des citoyens.
CHAPITRE 1 : UN APPEL FORT À L'ACTION
· Les citoyens du monde entier veulent que leurs dirigeants s'engagent à prendre des mesures ambitieuses en faveur du climat.
· Les citoyens veulent zéro émissions nette (de gaz à effet de serre) d'ici la fin du siècle.
· L'accord de Paris de la COP21 doit ouvrir une voie crédible pour limiter le réchauffement climatique à un maximum de 2 degrés.
· Le changement climatique est une opportunité d'améliorer la qualité de vie
· Introduire des taxes sur le carbone et investir dans les énergies renouvelables
CHAPITRE 2 : RESPONSABILITÉS COMMUNES MAIS DIFFÉRENCIÉES ET CAPACITÉS RESPECTIVES
· Un écart "Nord-Sud" qui se réduit
· Les pays doivent assumer leurs responsabilités en fonction de leurs capacités et de leurs niveaux d'émission respectifs.
· Tous les pays doivent prendre des mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
CHAPITRE 3 : FINANCEMENT DE L'ACTION CLIMATIQUE
· Le secteur privé doit contribuer de manière significative au financement du climat
· Les pays à haut revenu doivent augmenter leurs engagements en matière de financement climatique.
CHAPITRE 4 : LA PARTICIPATION DES CITOYENS
· Les citoyens veulent prendre une part active à la réduction des émissions de gaz à effet de serre
· Les citoyens attendent de participer à la prise de décision sur les politiques climatiques
Voir : WorlwideViews.org
Dans la même veine, un débat citoyen sur l’espace pour l’Europe organisé par l’Agence Spatiale Européenne s’est déroulé en 2016 dans ses 22 Etats membres. Il a démontré et confirmé que ce qui préoccupait le plus les citoyens européens et importait pour eux dans l’avenir était la protection de l’environnement, la lutte contre la pollution sur Terre comme dans l’espace, le changement climatique, construire une conscience pour l’humanité, en protéger les biens communs, promouvoir la paix et l’unité; et que les programmes, outils et données des activités spatiales en étaient les soutiens essentiels. Des questions identiques ont été posées à des collégiens français fin 2021 et leurs réponses étaient très proches de celles de citoyens européens de 2016 voire même plus affirmées.
UN CONSTAT SANS APPEL DU GIEC
…avec mobilisation nécessaire dans les 3 ans à venir
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), véritable institution de l’ONU, tente de déterminer des actions concrètes pour combattre le changement climatique. Pour ce faire, les experts suivent et partagent l’évolution des impacts environnementaux dans des rapports publiés depuis 1990. Publié en août 2021, le 1er volet du rapport du GIEC montre l’accélération alarmante du réchauffement climatique. La 2ème partie publiée en février 2022 liste les effets dévastateurs du réchauffement climatique passés, présents et à venir sur la population et la biodiversité. Le GIEC précise également que retarder la mise en place des premières actions réduit les chances d’un avenir vivable. Le pic d’émission des gaz à effet de serre ne peut pas aller au-delà de 2025, sans décrue les années suivantes, les conséquences du réchauffement climatique seront désastreuses. Près de la moitié de l’humanité est considérée comme vulnérable à cause du climat. Le réchauffement est la cause d’extinction de certaines espèces, de l’augmentation des maladies transmises par les moustiques, mais aussi des faibles récoltes.
La 3ème partie du sixième rapport du GIEC apporte des solutions techniques, sociales et technologiques pour réduire les émissions de C02 autour de 4 propositions phare :
· Opter pour la sobriété énergétique
· Remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables
· Augmenter les financements
· Capter les émissions carbone
Pour plus de détails : Greenly.org / Bonpote.com
DES PROPOSITIONS ET DES PROJETS
Parmi les propositions de ces dernières années visant à renforcer et renouveler le Droit de l’Environnement, voici deux Déclarations à portée juridique forte :
· La Déclaration des Droits de l’Humanité (DDHu)
Conçue pour la préparation de la COP21, cette Déclaration reconnait des droits et devoirs pour l’Humanité vis-à-vis d’elle-même, des générations futures, des autres espèces et de la nature. Ce texte vise à fixer des droits et devoirs, non plus individuels, mais collectifs. Créer une interdépendance entre les espèces vivantes, assurer leur droit à exister et le droit de l’Humanité de vivre dans un environnement sain et écologiquement soutenable sont les axes forts de cette Déclaration fondée par Corinne Lepage. / Voir : ddhu.org
· Une Déclaration pour Stockholm+50
Proposée par l’Association portugaise Common Home of Humanity, qui sera présentée à Stockholm en juin 2022 à l’Assemblée générale des Nations Unies pour commémorer les 50 ans de la 1ère Conférence des Nations Unies sur l’Environnement, cette Déclaration comprend 4 propositions :
- Mettre en œuvre le droit à un environnement sain. Les Etats membres doivent mettre en œuvre la résolution 48/13 du CDH (Conseil des droits de l’homme) reconnaissant ce droit qui souligne nomment le fait d’agir sur l’équité intra et intergénérationnelle
- Reconnaitre, restaurer et sauvegarder les biens communs mondiaux. Etablissement d’une gouvernance environnementale mondiale du système naturel qui soutient la vie sur la planète avec un climat stable, le reconnaitre juridiquement comme patrimoine commun de l’humanité et le gérer comme tel.
- Mettre en place une économie régénérative. Un avenir prospère exige une économie dans laquelle les processus naturels qui soutiennent toute vie sur Terre et maintiennent un climat stable deviennent économiquement visibles.
- Donner la priorité à la gouvernance et aux solutions institutionnelles. La gouvernance à long terme des biens communs mondiaux avec la gestion des risques associés exige un système permanent pour gérer de manière fiable les interactions avec le système terrestre dans son ensemble. / Voir : Commonhomeofhumanity.org
Enfin, de plus en plus, on voit apparaitre des Lois nationales climat (France, Portugal…) en marge de la loi européenne sur le climat (pacte vert/green deal) et une velléité d’organiser conventions citoyennes pour le climat sur le modèle français adapté aux particularismes des pays concernés.
DES ESPOIRS
Récemment (mars 2022) un de nos grands penseurs, Edgar Morin, alerte centenaire, a sorti un petit livre éblouissant d’intelligence et de simplicité, limpide et plein d’espoir. Il y rappelle notre histoire, nos valeurs, nos contradictions, nos errements et nos erreurs et surtout il propose un programme sur l’avenir à construire. « Réveillons-nous », tout y est dit !
Enfin, je tiens à rappeler que notre projet commun, l’ouvrage HOPES, reprend les enjeux que nous devons comprendre et évaluer, les grands défis que nous avons à affronter, et les menaces auxquelles nous sommes tous confrontés. Il propose des projections et des solutions car un autre monde est encore possible. Des personnalités du monde entier ont contribué au diagnostic du monde actuel et de la planète Terre que nous célébrons aujourd’hui avec humilité et humanité et peut-être aussi une culpabilité individuelle et collective. Ce diagnostic est accompagné de solutions qu’il n’est pas trop tard pour mettre en place. Qu’attendons-nous ? Car l’espoir demeure.
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