Plusieurs peintures numériques du livre « Hopes » traitent de l’avenir de l’humanité et de son rapport aux océans. L’idée était de tenter d’imaginer un avenir où l’homme aurait cessé son exploitation aveugle des ressources halieutiques (parmi d’autres) pour vivre en symbiose avec son environnement, réparant même les dégâts engendrés ces dernières décennies. C’est la raison pour laquelle j’avais invité Jean-Michel Cousteau, Sandra Bessudo, Philippe Vallette, Paul Watson ou encore mes amis Jean Lemire et Jacques Rougerie à partager à mes côtés leur vision de l’avenir des océans. La clôture de la conférence onusienne sur l’avenir des océans ce vendredi à Lisbonne est l’occasion de revenir sur ces enjeux cruciaux pour notre avenir.
Pour commencer, rappelons que si nous surnommons la Terre la planète bleue, c’est pour une raison simple : 70 % de sa surface est recouverte d’océans*. Si vous pouviez observer la Terre comme nos astronautes depuis l’espace, à quelques centaines de kilomètres au-dessus du Pacifique, vous ne verriez d’ailleurs que cela ou presque : un immense globe bleu, parsemé de quelques dentelles de nuages blancs le surplombant. L’eau est partout, et heureusement, car sans cette eau, la vie n’existerait tout simplement pas. L’océan c’est le berceau de la vie sur terre, il joue aussi un rôle essentiel dans la machine climatique, par la captation d’une part importante du CO2 atmosphérique, par la la production de la moitié de l’oxygène sur notre planète (et vous en conviendrez, l’oxygène, c’est relativement utile). Le premier poumon de la Terre n’est donc pas l’Amazonie, mais l’Océan – ce qui n’enlève rien à la nécessité de protéger l’Amazonie, on est d’accord).
“No ocean, no life. No blue, no green. No ocean, no us. »
Sylvia Earle
Biologiste marine, exploratrice, auteure américaine
D’où la nécessité de déclarer l’état d’urgence à la lumière de la dégradation de cet écosystème vital de la planète, ce qu’a fait le secrétaire général de l’ONU, à l’ouverture de ce sommet de Lisbonne.
Une mobilisation internationale est aujourd’hui indispensable pour repenser totalement notre rapport à l’océan. Il faut dire que les activités anthropiques ont gravement pollué les mers du globe, par les plastiques et beaucoup d’autres produits chimiques, quand elles ne les ont tout simplement pas vidé de leurs ressources halieutiques avec la surpêche. À cela il faut ajouter son réchauffement (oui, il n’y a pas que l’atmosphère qui se réchauffe) et son acidification. Le résultat est sans appel : les océans se meurent (du fait de la surpêche), se réchauffent (en prenant plus de volume, ce qui participe à la montée des eaux du globe), s’acidifient, et se dérèglent (par exemple avec une modification des courants marins). À la clé, les conséquences seront terribles pour des milliards d’êtres humains dès les prochaines années si rien n’est fait pour reprendre les choses en main.
Si le manque d’intérêt pour la cause océanique était malheureusement une réalité jusque récemment (en témoigne le fait que l’objectif de développement durable de l’ONU ODD-14 consacré aux océans était le moins financé des 17 objectifs fixés par les Nations unies pour 2030), les choses changent. Le consensus sur la gravité de la situation est désormais partagé au niveau international (il était temps), place à présent à l’action (il était temps aussi).
Bonne nouvelle, les choses commencent (enfin) à bouger : par exemple, le conseil ministériel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a enfin décidé d’interdire les subventions à la pêche non durable. Lisbonne avait ces derniers jours pour objectif de commencer à mettre en place les feuilles de route et les financements nécessaires à l’application de nouveaux objectifs allant dans le même sens, à savoir la préservation, voire, la restauration des écosystèmes maritimes (oui tout n’est pas perdu, eh oui, on peut encore sauver pas mal de choses).
Quand on parle de la lutte contre le réchauffement climatique et plus généralement pour la préservation de notre environnement, beaucoup de choses passeront en effet par l’évolution du droit international. Sur ce point, la mise en place de ce traité de la haute mer sera d’une très grande importance. La France et le Costa Rica ont ainsi en 2021 initié une coalition dans laquelle ils ont été rejoints par 102 états afin de protéger 30 % de leurs aires marines et terrestres d’ici 2030. La création d’un droit de la haute mer fait partie des objectifs ce qui permettra concrètement la mise en place de réglementations contraignantes pour préserver également les fonds marins (et accessoirement la colonne d’eau qu’il y a au-dessus – cette précision pourrait faire sourire, mais en réalité il faut savoir que la plupart des réglementations ne concernaient jusqu'à récemment que la surface des océans et pas ce qu’il y avait en dessous).
Concernant les océans, la plupart des gens voient ce qui se produit à sa surface, mais pas ce qui se passe en dessous. Ils ne se rendent pas encore véritablement compte de l’importance que représente la pollution, plastique ou autre, et du point auquel celle-ci affecte les écosystèmes et la santé des océans. Cette pollution entraîne la destruction d’écosystèmes stratégiques, comme le sont les coraux ou les mangroves ; à cela s’ajoutent évidemment la surpêche, la pêche illégale et une pêche industrielle dévastatrice, qui affecte aussi la haute mer – qu’il faut également protéger, et ne pas se restreindre aux eaux territoriales des pays. Il faut travailler à présent en coopération avec d’autres pays ; sur le plan scientifique, certes, mais aussi pour mettre en place des mesures de protection communes envers les espèces emblématiques et hautement menacées, comme le requin-marteau. […]. Il faut que tout le monde nous aide à protéger la mer, depuis la montagne jusqu’à l’océan.
Sandra Bessudo
Naturaliste, conservationniste et fondatrice de la Fondation Malpelo et autres Écosystèmes marins
HOPES, Y. Monget, Symbiom Editions
Le risque est évidemment d’aboutir à un traité qui ne soit pas à la hauteur de la gravité de la situation. Ce ne serait pas la première fois concernant les traités en lien avec l’environnement et le fait que ce projet de traité (BBNJ) n’intègre actuellement pas la pêche (ce qui demeure quand même l’un des principaux problèmes, vous en conviendrez) de quoi... laisser songeur. Autre défi, réussir à s’accorder sur l’exploitation des ressources minières des fonds marins. Quand on connait les besoins d’une humanité qui n’a toujours pas intégré la notion de sobriété, et les tensions que l’on connait en termes d’approvisionnement de certains minerais, là aussi, il est permis de douter, tout du moins de rester on ne peut plus prudent. Espérons qu’il n’en soit rien, et que l’ambition soit au rendez-vous pour préserver ce qui peut encore l’être.
Prochaine échéance, la négociation d’un traité de la haute mer à New York en août prochain (puis la COP27 à Charm-el-Cheikh en novembre, et la COP15 sur la biodiversité à Montréal en décembre.).
* Petite digression scientifique au passage et juste pour le plaisir, si certains se demandent pourquoi les océans sont d’ailleurs bleus, cela est simplement lié au fait que la lumière blanche du soleil est constituée d’un ensemble de longueurs d’ondes, chacune responsable d’une couleur du spectre visible et que la couleur la plus réfractée par les océans est le bleu. (Les ondes rouges et jaunes étant absorbées par l’eau dès 10 à 30 mètres de profondeur, le vert disparaissant lui vers 60 mètres de profondeur et le bleu seulement vers 90 mètres.
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Peinture numérique tirée du livre HOPES, Symbiom Editions 2021
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